Il y a 400 ans… Naissait Jean de La Fontaine

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Posté par : SOS Éducation - J 8 juillet 2021 3 commentaires

Chère amie, Cher ami,

Il y a 400 ans naissait Jean de La Fontaine.

Ses fables inspirées d’Ésope et d’Homère relèvent à la fois du registre comique et du registre didactique.

Des dizaines de générations d’élèves ont appris ses fables par cœur, avec enthousiasme, et les récitent encore avec un sourire d’enfant, au soir de leur vie.

Jean de La Fontaine aimait à dire « Je me sers d’animaux pour instruire les hommes ». 

Décrire les hommes pour corriger leurs travers, tel était le but de Monsieur de La Fontaine. Ses écrits contiennent des vérités d’une incroyable modernité. 

Alors que nous déplorons chaque jour de nouvelles tentatives pour déboulonner nos statues et renier notre culture, l’épître à Huet, que nous avons choisi de partager avec vous pour célébrer le plus illustre des fabulistes, sonne comme un remède à la cancelculture ou culture woke. 

Découvrez ce texte magnifique dans lequel Jean de La Fontaine se dévoile sans fard, troublant d’ingéniosité et de reconnaissance envers les auteurs grandioses qui l’ont précédé. 

Épître à Huet (1687)

« Mes dieux du Parnasse »

Je vous fais un présent capable de me nuire.

Chez vous Quintilien s’en va tous nous détruire

Car enfin qui le suit ? qui de nous aujourd’hui

S’égale aux anciens tant estimés chez lui ?

Tel est mon sentiment, tel doit être le vôtre.

Mais si notre suffrage en entraîne quelque autre,

Il ne fait pas la foule ; et je vois des auteurs

Qui, plus savants que moi, sont moins admirateurs.

Si nous les en croyons, on ne peut sans faiblesse

Rendre hommage aux esprits de Rome et de la Grèce

Craindre ces écrivains ! on écrit tant chez nous

La France excelle aux arts, ils y fleurissent tous

Notre prince avec art nous conduit aux alarmes,

Et sans art nous louerions le succès de ses armes

Dieu désapprendrait-il à former des talents ?

Les Romains et les Grecs sont-ils seuls excellents ?

Ces discours sont fort beaux, mais fort souvent

Je ne vois point l’effet répondre à ces paroles

Et, faute d’admirer les Grecs et les Romains,

On s’égare en voulant tenir d’autres chemins.

Quelques imitateurs, sot bétail, je l’avoue,

Suivent en vrais moutons le pasteur de Mantoue

J’en use d’autre sorte ; et, me laissant guider,

Souvent à marcher seul j’ose me hasarder.

On me verra toujours pratiquer cet usage

Mon imitation n’est point un esclavage

Je ne prends que l’idée, et les tours, et les lois,

Que nos maîtres suivaient eux-mêmes autrefois,

Si d’ailleurs quelque endroit plein chez eux d’excellence

Peut entrer dans mes vers sans nulle violence,

Je l’y transporte, et veux qu’il n’ait rien d’affecté,

Tâchant de rendre mien cet air d’antiquité.

Je vois avec douleur [ces] routes méprisées

Art et guides, tout est dans les Champs Élysées

J’ai beau les évoquer, j’ai beau vanter leurs traits,

On me laisse tout seul admirer leurs attraits.

Térence est dans mes mains ; je m’instruis dans Horace;

Homère et son rival sont mes dieux du Parnasse.

Je le dis aux rochers ; on veut d’autres discours

Ne pas louer son siècle est parler à des sourds.

Je le loue, et je sais qu’il n’est pas sans mérite

Mais près de ces grands noms notre gloire est petite

Tel de nous, dépourvu de leur solidité,

N’a qu’un peu d’agrément, sans nul fonds de beauté

Je ne nomme personne on peut tous nous connaître.

Je pris certain auteur autrefois pour mon maître;

Il pensa me gâter. A la fin, grâce aux Cieux,

Horace, par bonheur, me dessilla les yeux.

L’auteur avait du bon, du meilleur; et la France

Estimait dans ses vers le tour et la cadence.

Qui ne les eût prisés ? J’en demeurai ravi

Mais ses traits ont perdu quiconque l’a suivi.

Son trop d’esprit s’épand en trop de belles choses;

Tous métaux y sont or, toutes fleurs y sont roses.

On me dit là-dessus De quoi vous plaignez- vous?’

De quoi ! Voilà mes gens aussitôt en courroux;

Ils se moquent de moi, qui, plein de ma lecture,

Vas partout prêchant l’art de la simple nature.

Ennemi de ma gloire et de mon propre bien,

Malheureux, je m’attache à ce goût ancien.

Qu’a-t-il sur nous, dit-on, soit en vers, soit en prose?

L’antiquité des noms ne fait rien à la chose,

L’autorité non plus, ni tout Quintilien.”

Confus à ces propos, j’écoute, et ne dis rien.

J’avouerai cependant qu’entre ceux qui les tiennent

J’en vois dont les écrits sont beaux et se soutiennent

Je les prise, et prétends qu’ils me laissent aussi

Révérer les héros du livre que voici.

Recevez leur tribut des mains de Toscanelle

Ne vous étonnez pas qu’il donne pour modèle

A des ultramontains un auteur sans brillants

Tout peuple peut avoir du goût et du bon sens.

Ils sont de tout pays, du fond de l’Amérique;

Qu’on y mène un rhéteur habile et bon critique,

Il fera des savants. Hélas! qui sait encor

Si la science à l’homme est un si grand trésor?

Je chéris l’Arioste, et j’estime le Tasse

Plein de Machiavel, entêté de Boccace,

J’en parle si souvent qu’on en est étourdi.

J’en lis qui sont du nord, et qui sont du midi.

Non qu’il ne faille un choix dans leurs plus beaux ouvrages

Quand notre siècle aurait ses savants et ses sages,

En trouverai-je un seul approchant de Platon?

La Grèce en fourmillait dans son moindre canton.

La France a la satire et le double théâtre;

Des bergères d’Urfé chacun est idolâtre;

On nous promet l’histoire, et c’est un haut projet,

J’attends beaucoup de l’art, beaucoup plus du sujet

Il est riche, il est vaste, il est plein de noblesse;

Il me ferait trembler pour Rome et pour la Grèce.

Quant aux autres talents, l’ode, qui baisse un peu,

Veut de la patience; et nos gens ont du feu.

Malherbe avec Racan, parmi les choeurs des anges,

Là-haut de l’Éternel célébrant les louanges,

Ont emporté leur lyre; et j’espère qu’un jour

J’entendrai leur concert au céleste séjour.

Digne et savant prélat, vos soins et vos lumières

Me feront renoncer à mes erreurs premières

Comme vous je dirai l’auteur de l’univers;

Cependant agréez mon rhéteur et mes vers.

Priorité à l’éducation !

signature sophie auduge

Sophie Audugé,
Déléguée Générale de SOS Éducation

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3 commentaires

  • Elisabeth de Lobkowicz

    Merci pour ce beau texte plein d´allusions a des auteurs ou personnages encore enseignés a ma génération (je suis née en 1947)

  • MARIE AMARE

    J’adore Jean de la Fontaine, merci pour ses écrits qui sont plus que jamais nécessaires dans ce siècle de folie et de corruption.

  • Alain Fajardy

    Il manquerait une pièce maîtresse à la langue française sans notre cher La Fontaine. Il a porté la langue à de sommets. En très peu de mots bien choisis, bien mis, bien liés, il dépeint toute une scène, tout un personnage, tout un paysage. La grammaire est l’art de penser; La Fontaine est un très grand artiste. Ses descriptions de la nature sont colorées, fraîches, d’une beauté naturelle. Il faut apprendre les fables de La Fontaine; au-delà du plaisir et du goût exquis, elles nous enseignent le vocabulaire, la syntaxe, les figures de style, les descriptions. Certains morceaux sont passés à la postérité: “rien ne sert de courir, il faut partir à point”; on a souvent besoin d’un plus petit que soi”. Mais La Fontaine ce n’est pas que les fables. Il a joué avec la poésie: épithalames, stances, odes, sonnets, épîtres, élégies, virelais, églogues, ballades, rondeaux, madrigaux, rondeaux, dizains, sizains, chansons, épitaphes, épigrammes. Il a excellé en tout.
    Je ne veux pas oublier la science. Dans le discours à Madame de la Sablière il évoque avec talent la différence entre un robot et un être vivant. Il prend heureusement parti contre Descartes . Il montre que l’animal n’est pas une machine. La vie n’est pas seulement de la matière. C’est de la matière ordonnée. On pourra toujours prendre les 21 acides aminés; en prendre des milliards. On n’arrivera jamais à en faire au hasard les milliers de protéines aussi complexes et subtiles aussi spécialisées, telles que l’insuline, l’hémoglobine, la chlorophylle, la myosine etc. Ce sont les merveilles de la nature, des choses admirables qui nous surprennent.