Note de SOS Éducation sur le volet Éducation du projet de loi n° 3649 confortant le respect des principes de la République

Préambule

  • SOS Éducation soutient toutes les initiatives efficaces pour lutter contre les dérives sectaires et pour garantir l’équilibre entre le droit à l’instruction de l’enfant et la liberté du choix des modalités par les parents. 
  • SOS Éducation ne défend pas un modèle d’enseignement par rapport à un autre. SOS Éducation défend la liberté du choix d’instruction comme constitutive du pluralisme nécessaire à l’adaptation des enseignements aux différents profils et situations d’élèves, en conformité avec les valeurs éducatives des parents.
  • SOS Éducation croit aux vertus de ce pluralisme. Il contribue à une remise en question salutaire et inspire l’ensemble de notre système éducatif au bénéfice de tous les enfants.

1. Seul un danger imminent, avéré, justifie de restreindre une liberté fondamentale

La liberté d’instruction est une liberté fondamentale, indivisible.

La restreindre à quelques cas dérogatoires consiste en une interdiction a priori d’une liberté pourtant constitutionnelle de la République française.

Une telle décision, irréversible, serait contraire à l’intérêt de l’enfant et de la société sur de nombreux aspects.

Le caractère anticonstitutionnel du projet de loi a été exposé dans le rapport provisoire du Conseil d’État. Plusieurs avis juridiques complémentaires formulés à la demande d’associations défendant la liberté d’instruction sont venus utilement le compléter ou le préciser.

En tout état de cause, la restriction de la liberté d’instruction à quelques cas dérogatoires ne peut se justifier qu’en proportionnalité d’un danger imminent et avéré, ce qu’en l’espèce aucun rapport ne permet d’attester.

Après avoir analysé en profondeur les documents suivants :

  • Étude d’impact du projet de loi confortant le respect des principes de la République
  • Conseil d’État – Avis sur un projet de loi – confortant le respect, par tous, des principes de la République
  • Rapport du Sénat, Radicalisation islamiste – Faire face et lutter ensemble – Tome I – Partie II Protéger les enfants et les jeunes
  • Rapport de mission gouvernementale, Erwan Balanant, Comprendre et combattre le harcèlement scolaire – 120 propositions, Assemblée nationale
  • OCDE (2019), En quoi les systèmes d’éducation de la petite enfance se différencient-ils dans le monde ?, dans Education at a Glance 2019 : OECD Indicators, Éditions OCDE, Paris.
  • Note d’analyse et de propositions du Conseil Supérieur des Programmes sur le programme d’enseignement de l’école maternelle, Décembre 2020
  • Article Instruction(s) en famille. Explorations sociologiques d’un phénomène émergent de Philippe Bongrand et Dominique Glasman, dans Revue française de pédagogie 2018/4 (n° 205), pages 5 à 19

Ces travaux :

  • ne démontrent ni bénéfice ni urgence, >dans l’intérêt de l’enfant ou de la société, à restreindre la liberté d’instruction à quelques cas dérogatoires.
  • ne démontrent pas de lien entre restriction de la liberté d’instruction et lutte contre les séparatismes.

Une telle restriction créerait un climat délétère et aggraverait encore les inégalités au sein d’une communauté éducative qui a pourtant besoin de toutes les énergies (écoles publiques, écoles privées sous contrat, écoles privées hors contrat, instruction en famille) et de toutes les bonnes intentions (enseignants, parents, associations) pour relever les défis de l’École et faire progresser tous les enfants.

2. Les valeurs de la République sont remises en cause à l’école publique

Le rapport du Sénat Radicalisation islamiste : faire face et lutter ensemble démontre que « le phénomène de remise en cause de la laïcité et des valeurs de la République à l’école républicaine est ancien et qu’il demeure élevé. » p.136

Ce même rapport montre que « le premier degré est particulièrement touché et que le phénomène s’amplifie. » p.138

Le même rapport rappelle que « les personnels de l’Éducation nationale sont à l’origine de 14 % des signalements pour atteinte à la laïcité et aux valeurs de la République. » p.139

De l’aveu même du ministère, l’administration rencontre des difficultés juridiques et ne peut caractériser la faute d’un agent radicalisé ou en voie de radicalisation lorsqu’il est irréprochable dans l’exercice de ses fonctions, ou lorsque les agissements qui lui sont reprochés dans sa vie privée ont un caractère non public ou infra-pénal. Comme l’a indiqué un des recteurs à la commission d’enquête : “Lorsqu’unfonctionnaire fiché S est excellent maître d’école, nous n’avons pas la possibilité de le faire passer en conseil de discipline et de le faire sortir du système.”, p.141.

L’école de la République est la première touchée par la radicalisation émanant des personnels de l’Éducation nationale ou des parents d’élèves (notamment en ce qui concerne le 1er degré), avec des perturbations sur la vie de l’école, des contestations sur le contenu des enseignements, des atteintes au principe de laïcité (prosélytisme, port de signes religieux ostentatoires), des attaques directes sur le personnel enseignant.

3. Non à l’amalgame avec les structures clandestines d’enseignement

S’attaquer à la liberté du choix des modalités d’instruction c’est se tromper de cible. 

La lutte contre les séparatismes doit viser les structures clandestines d’enseignement : des regroupements hors-la-loi d’enfants qui ne respectent pas la procédure de déclaration obligatoire des établissements d’enseignement scolaire hors contrat et dont les parents d’élèves font de fausses déclarations d’instruction en famille. Le ministre de l’Éducation nationale a avancé oralement que 2 000 à 3 000 enfants seraient concernés, mais ce chiffre n’est pas confirmé par l’Éducation nationale.

Par ailleurs, ni l’étude d’impact ni le rapport du Sénat ne fournissent d’information sur les procédures d’identification des structures clandestines menées au niveau local et aucun de ces rapports ne permet de véritablement en quantifier l’importance.

C’est tout à fait dommageable, d’autant que ce sont les services de la mairie et de l’inspection académique qui assument la mission de contrôle régulier de l’instruction en famille et des écoles hors contrat. Ils sont chargés de mener des contrôles plus poussés en cas de doute sur l’existence d’une structure clandestine.

Ainsi l’évolution anormale du nombre d’enfants déclarés d’une année sur l’autre est un indicateur pertinent pour identifier des secteurs à contrôler en priorité. L’exemple du Val-d’Oise, donné dans le rapport du Sénat, en est une parfaite illustration :

325 élèves étaient en instruction à domicile l’année dernière, contre 589 cette année, soit une augmentation de plus de 81 % en un an. Ces élèves sont passés de 9 à 65 à Cergy, de 44 à 60 à Argenteuil, de 10 à 26 à Garges-Lès-Gonesse, de 2 à 26 à Montigny-lès-Cormeilles, de 10 à 24 à Goussainville et sont demeurés 18 à Sarcelles., p.131.

Une commission d’enquête ciblée sur ce territoire, en lien avec les élus locaux, permettrait de lever tout doute sur l’existence de structures clandestines d’enseignement. L’arsenal législatif actuel permet déjà de mener tous les contrôles nécessaires à cette identification.

4. Sur la “Défiance supposée” des parents

La défiance des parents est à l’encontre de la qualité de l’enseignement et des méthodes dispensées à l’Éducation nationale, mais elle n’est pas contre les valeurs républicaines.

Le développement de l’instruction en famille et des écoles hors contrat ces dernières années n’est pas une cause, mais une conséquence. Les écoles privées sous contrat avec l’Éducation nationale sont prises d’assaut par les meilleurs élèves (et non plus, comme il y a 20 ou 30 ans, par ceux qui étaient en difficulté à l’école publique).

L’accroissement des inscriptions dans le privé hors contrat ou en instruction en famille est la manifestation d’une défiance des parents envers la qualité de l’enseignement dispensé par l’Éducation nationale. Le niveau des élèves ne cesse de baisser, la violence en milieu scolaire devient endémique (se référer au rapport du député Erwan Balanant) et les personnels de l’Éducation nationale expriment publiquement leur mal-être et leurs angoisses (rapport du Sénat sur la résignation des enseignants et de l’institution).

Les résultats de toutes les études (nationales comme internationales) sur le niveau des élèves et le climat scolaire en témoignent, TIMSS, PIRLS, TALIS, PISA, CEDRE, Conseil scientifique de l’Éducation nationale… L’Éducation nationale ne parvient pas à se réformer pour endiguer ces phénomènes. 

Naturellement les parents se tournent vers des modes d’instruction qui correspondent davantage à leurs valeurs éducatives et dont les méthodes pédagogiques permettront à leurs enfants de réussir leurs apprentissages et leur scolarité.

Le rapport du Sénat explique le développement des écoles hors contrat en ces termes : « la forte augmentation du nombre d’enfants scolarisés dans des établissements hors contrat avec l’Éducation nationale s’explique par l’attrait croissant des familles pour des pédagogies alternatives (pour 75 % des élèves) ainsi que par une meilleure connaissance statistique des élèves scolarisés dans ces établissements depuis 2018. »

Le passage de l’instruction obligatoire de 6 à 3 ans à la rentrée 2019 a certainement eu un impact sur le développement des écoles libres et de l’instruction en famille. Ces systèmes hors contrat avec l’Éducation nationale apportent une souplesse dans l’organisation et le fonctionnement, ainsi que des méthodes et un cadre plus conformes aux apprentissages d’un jeune enfant.

5. Non ! L’enseignement hors contrat n’est pas moins efficace que l’école publique

Aucune donnée statistique, formelle et complète ne démontre que les enfants instruits à la maison ou dans une école hors contrat ont des performances moindres, qu’il s’agisse de la maîtrise des apprentissages fondamentaux, des acquis du socle commun, de leur épanouissement dans la relation aux autres, comparativement aux autres modes d’instruction.

L’étude d’impact n’avance aucune donnée fiable, ce qui en décrédibilise sa portée. Le Conseil d’État partage ce constat du manque de données probantes sur lesquelles le gouvernement se serait fondé pour hiérarchiser certains modèles par rapport aux autres.

De même, l’étude d’impact n’évoque que très peu les établissements d’enseignement privés à distance. Or de nombreux enfants instruits à la maison sont inscrits à un cours d’enseignement privé à distance (Cours Pi, Hattemer Academy, Cours Legendre, Cours Sainte-Anne, École Ker Lann, Cours Valin, Cours Griffon, Cours Académiques de France…) dont les contenus et les résultats sont parfaitement suivis.

Aucune donnée non plus sur les moyens utilisés par les parents qui assurent l’instruction à la maison sans avoir inscrit leur enfant à un cours à distance public ou privé. Ils ont pourtant recours à des outils didactiques et pédagogiques en ligne, aux documents officiels du programme de l’Éducation nationale et aux outils mis à disposition sur le portail Eduscol, à des dispositifs d’autoformation, à des manuels sur des méthodes pédagogiques spécifiques, à un réseau d’entraide organisé par les associations… Ils utilisent ces différents outils au service de l’apprentissage qu’ils donnent à leurs enfants, comme nous avons pu le constater lors du premier confinement par l’immensité des ressources mises en accès libre par les parents, les enseignants et les associations.

On notera par ailleurs que l’étude d’impact ne fournit aucune donnée sur la pertinence de l’offre du CNED (comparativement aux nombreuses alternatives privées), ni sur les résultats des enfants qui y sont inscrits. L’étude d’impact, comme le rapport du Sénat, se limitant à constater l’érosion du nombre d’élèves inscrits au CNED. Les parents qui instruisent leurs enfants à la maison recherchent les meilleures solutions d’apprentissage. Analyser les raisons qui conduisent les familles à se détourner du service public d’enseignement à distance, pour s’orienter vers des dispositifs privés ou assurer eux-mêmes l’enseignement, serait une introspection salutaire.

L’étude d’impact insinue que les parents qui font le choix de l’instruction en famille cherchent à isoler leurs enfants des autres. Elle porte ce jugement en avançant que les enfants instruits en famille pratiquent moins d’activités extrascolaires que les autres. Cette affirmation est sans fondement puisqu’aucune donnée fiable n’est disponible sur ce point. Il n’est pas demandé aux parents qui instruisent en famille de déclarer les activités pratiquées par leurs enfants, hors instruction obligatoire.

Seule une évaluation fondée sur un protocole unique, statistiquement administré par un organisme indépendant et appliqué à l’ensemble des enfants fournirait un comparatif des niveaux acquis et des pratiques extra-scolaires par mode d’instruction.

6. Une opposition idéologique contre la liberté d’instruction

L’absence de données fiables traduit le caractère avant tout idéologique de la position du gouvernement contre la liberté d’instruction.

Cette opposition idéologique introduit une inégalité de traitement entre les différents modes d’instruction et instaure une hiérarchisation subjective des établissements à la faveur de l’école publique. L’objectivité et la neutralité auraient dû conduire les auteurs de l’étude d’impact à donner les résultats de l’école publique en matière d’acquis des élèves, lesquels sont régulièrement cités dans les travaux du conseil scientifique de l’Éducation nationale, qui en dresse un constat accablant.

Une telle position est infondée et contraire à l’intérêt de l’enfant, puisque notre École ne parvient pas à intégrer les enfants aux besoins éducatifs particuliers (rapport Balanant, comprendre et combattre le harcèlement scolaire), ni à répondre aux attentes des parents en matière de pédagogie différenciée, ni à garantir l’usage des méthodes d’apprentissage des fondamentaux les plus efficaces. Concernant les enfants entre 3 et 6 ans, nous n’avons pas de politique éducative préprimaire en France sur laquelle fonder une scolarisation obligatoire dans l’intérêt de l’enfant.

Une telle position est injuste et disproportionnée, puisqu’elle prive d’un droit fondamental les familles qui instruisent leurs enfants dans le respect des lois et des valeurs de la République. Alors qu’elle n’empêchera pas les familles qui rejettent les valeurs de la République de contourner la loi à travers des structures clandestines ou d’agir contre la laïcité et les valeurs de la République au sein même de l’école publique.

Une telle position est inégalitaire, car certains enfants auront accès à l’instruction en famille et d’autres non, du fait d’une décision administrative aléatoire qui repose sur des critères en partie subjectifs. Certains parents auront les moyens de scolariser leurs enfants dans des écoles privées, d’autres non. Étant ici précisé que sur certaines zones géographiques il n’y a déjà plus de place en établissement privé sous contrat.

7. La liberté d’instruction contribue à l’intelligence collective au service de l’Éducation

Laboratoire d’innovations et de pratiques pédagogiques individualisées, l’instruction en famille et les écoles hors contrat sont indispensables à l’inclusion de tous les enfants. Elles sont deux maillons essentiels d’une intelligence collective au service de l’Éducation, elles sont nécessaires à l’équilibre de notre système éducatif.

La restriction de l’instruction en famille ne résoudra pas les problèmes de séparatisme.

Par contre, elle braquera les familles qui instruisent consciencieusement leurs enfants dans le respect des exigences académiques, fixées par l’Éducation nationale, et des valeurs républicaines.

Maintenir une position idéologique contre l’instruction en famille ne fera qu’attiser les relations déjà tendues entre les parents, l’institution scolaire et l’État.

L’instruction en famille est souvent une passerelle dans le processus d’inclusion scolaire ou une solution palliative d’urgence, nécessaire pour beaucoup d’enfants. Selon les associations représentatives de parents qui instruisent à la maison, elle représente une période de transition dont la durée moyenne est de 1 à 2 ans, dans 50 % des cas.

L’instruction en famille permet aux enfants en situation de handicap, d’angoisse, de phobie scolaire, de trouble psychosocial, de harcèlement physique ou moral à l’école… de poursuivre en douceur leurs apprentissages, en bénéficiant d’un environnement sécurisé, en rassemblant les meilleures conditions d’épanouissement à ce moment précis de leur développement.

L’instruction en famille intervient comme un cheminement indispensable pour retisser le lien entre ces enfants et le milieu scolaire et représente un passage obligé vers une scolarisation ou une future rescolarisation réussie.

Notons que dans ces situations particulières (handicap, angoisse, phobie, trouble psychosocial, harcèlement…), le délai de prise en charge par l’institution scolaire et de traitement des dossiers par  la juridiction compétente est incompatible avec la protection de l’enfance, comme le démontrent de nombreux travaux, dont le dernier rapport de Erwan Balanant comprendre et combattre le harcèlement scolaire.

Il est important de prendre conscience que le passage de cette loi rendra hors-la-loi les parents qui décideront, sans la reconnaissance de l’établissement, de l’institution, de l’administration, de « sortir » leur enfant du système, pour assurer en premier lieu sa protection, puis prendre le relais de ses apprentissages jusqu’à ce qu’il parvienne à se reconnecter au système.

Plusieurs composantes du phénomène de harcèlement lié au milieu scolaire sont parfaitement décrites dans le rapport de Erwan Balanant. Dans son rapport, l’auteur acte et explique l’inertie du système à reconnaître les situations problématiques vécues par ces enfants.

Les parents sont les mieux placés et les plus légitimes, à percevoir un problème dans le comportement de leur enfant. Ils doivent rester libres de prendre les décisions qui leur semblent les meilleures pour le protéger, de manière non contrainte par des contingences administratives.

8. L’obligation de scolarisation à 3 ans est contraire à l’intérêt de l’enfant

Si la mise en place d’un programme d’instruction structuré dès l’âge de 3 ans est indéniablement un moyen de prévenir les risques de décrochage scolaire des enfants de familles allophones ou les plus éloignées de l’école (cf. travaux du conseil scientifique de l’Éducation nationale), il n’est pas démontré que l’obligation de scolarisation à 3 ans présente un bénéfice pour tous les enfants. 

Contrairement à ce que laisse entendre l’étude d’impact, aucun autre pays d’Europe n’impose à ses enfants une scolarité obligatoire dès 3 ans.

Il est utile de noter que l’âge de scolarisation obligatoire dans les pays d’Europe qui interdisent ou restreignent l’instruction en famille n’est pas de 3 ans, mais au minimum de 5 ans : Allemagne (6 ans), Grèce (5 ans), Pays-Bas (5 ans), Suède (7 ans), Espagne (6 ans).

Il peut être utile, par ailleurs, de rappeler que « l’instruction à domicile est autorisée au Royaume-Uni, en Irlande, en Autriche, en Belgique et en Italie » (extrait page 29 de l’avis du Conseil d’État).

Si l’instruction dès la petite enfance est une tendance lourde confirmée par l’étude internationale menée par l’OCDE, la scolarité obligatoire intervient généralement à l’âge du début de l’enseignement primaire, voire une année avant.

L’étude de l’OCDE met en exergue les conditions de réussite d’une politique éducative préprimaire en s’appuyant sur l’expérience de plus d’une trentaine de pays. En dehors de la part du PIB dévolue à l’instruction de cette classe d’âge qui est un facteur déterminant, il ressort que la formation des enseignants et le taux d’encadrement sont les deux éléments clés d’une instruction publique efficace dès la petite enfance.

La France ne peut pas (actuellement) se prévaloir de ces facteurs clés pour réussir l’instruction des jeunes enfants.

Par contre, la France peut revendiquer l’inscription en maternelle de plus de 97 % des enfants de trois ans.

L’enjeu n’est donc pas de faire venir tous les enfants à l’école, mais de les instruire mieux.
C’est ce que cible la note du Conseil supérieur des programmes dédiée aux enseignements en maternelle, rendue en décembre 2020 au ministre de l’Éducation nationale.

Cette note présente le travail d’explicitation et de démonstration mené par le Conseil scientifique de l’Éducation nationale, notamment sur les liens entre le milieu social – la maîtrise de la langue -, la langue parlée à la maison – l’apprentissage de la lecture – et les risques d’échec scolaire. Sur cette base académique, les objectifs pédagogiques des enseignements en maternelle ont été clarifiés et les programmes revus en conséquence.
On notera qu’aucun enseignant ni personnel de terrain intervenant dans les cycles d’enseignement ciblés n’a été invité à contribuer à ce travail.

D’ailleurs la note du Conseil supérieur des programmes ne précise pas les conditions dans lesquelles le déploiement de ces programmes se fera en septembre 2021, ni le plan de formation des enseignants en charge de les réaliser, ni l’ajustement du taux d’encadrement pour être conforme aux conditions optimales de réussite des apprentissages.

Il est par ailleurs surprenant, de lire page 6 de cette note « Le 2 octobre 2020, un pas supplémentaire et décisif a été accompli pour conforter la place de l’école maternelle dans le système éducatif français : à la rentrée scolaire 2021, c’est l’école, et non pas seulement l’instruction, qui sera obligatoire à 3 ans pour tous les enfants. Prolongeant la loi de 2019 pour une École de la confiance, le projet de loi récemment annoncé qui transforme l’instruction obligatoire en école obligatoire dès l’âge de 3 ans réactive les finalités reconnues à l’École depuis les fondations de la République en leur conférant une urgence inédite et en les mettant en œuvre le plus tôt possible.»

Il convient de rappeler qu’il s’agit d’un « projet de loi » et que celui-ci n’a pas été voté. D’autre part le « pas supplémentaire et décisif » a été franchi avec la loi pour une École de la confiance, par l’instruction rendue obligatoire à partir de 3 ans.

Avec un système éducatif français qui accueille déjà 97 % des enfants de 3 ans, la scolarisation obligatoire ne changera pas les choses, elle va au contraire les complexifier et accentuer les inégalités.

Pour réellement améliorer l’instruction des enfants en bas âge, il faudrait se donner les moyens humains, budgétaires et de formation, pour garantir à ce volume d’élèves déjà très important une instruction de qualité.

L’urgence n’est donc pas à la scolarisation obligatoire des enfants de 3 ans, mais à la qualité de l’instruction donnée à ceux qui en ont le plus besoin. 

L’obligation de scolarisation à 3 ans risque d’avoir tout simplement l’effet inverse à celui poursuivi. Il risque d’aggraver les inégalités entre les enfants dont les parents auront les moyens de les inscrire dans des établissements privés avec des pédagogies adaptées et des enseignants bien formés, et ceux dont les parents ne les auront pas.

La législation actuelle qui encadre déjà l’instruction en famille permet d’identifier les enfants dont le droit à l’instruction à 3 ans n’est pas respecté pour les orienter vers un établissement d’enseignement de la petite enfance, public ou privé. Les moyens financiers et humains, qu’exige un enseignement préprimaire de qualité, doivent se concentrer sur ces enfants afin de leur transmettre les prérequis de vocabulaire, de langage, de sens du nombre, de plaisir d’apprendre, de curiosité et de posture d’élève, nécessaires au développement de leur plein potentiel.

9. Pourquoi l’autorisation dérogatoire est incompatible avec la protection de l’enfant

Si l’article 21 du projet de loi confortant le respect des principes de la République est maintenu, les parents se verront privés de leur libre arbitre et de leur droit de décider de ce qui convient le mieux pour leur enfant. Ils devront passer par une demande d’autorisation dérogatoire, et l’administration disposera d’un délai de 2 mois pour faire connaître sa décision

Mettons de côté le caractère subjectif et inégalitaire de décisions administratives locales (cf. les différences d’appréciation entre départements des MDPH), l’inertie des administrations régulièrement éprouvées, les tribunaux déjà surchargés qui se verront saisis d’une multitude de recours des familles. Tous ces points ont déjà été largement argumentés par les associations représentatives de l’instruction libre.

Sur le terrain, l’autorisation dérogatoire sera incompatible avec la protection de l’enfant. 

Le point 4 de l’article 21 du projet de loi prévoit le cadrage des situations particulières pouvant justifier une autorisation dérogatoire pour instruire son enfant en famille.

Il est formulé en ces termes :

4o L’existence d’une situation particulière propre à l’enfant, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de leur capacité à assurer l’instruction en famille dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Comme rappelé supra, le rapport d’Erwan Balanant met parfaitement en exergue l’inertie du système quand il s’agit de repérer les difficultés et situations particulières au sein de l’école publique.

Il pointe du doigt le manque de formation des enseignants sur les troubles psychosociaux et sur les méthodes d’observation qui permettent de distinguer un mal-être ou une situation particulière chez un élève.

Le rapport pointe qu’une fois la situation identifiée, le système s’enraye, soumis à une multitude de principes de réserve et d’autoprotection. Il est fait référence au mouvement « #PasDeVague », à un rapport interne de 2004 dédié aux « Brutalités et harcèlements physiques et psychologiques exercés sur des enfants par des personnels du ministère ». Si le rapport note les efforts et les engagements pris par le ministre de l’Éducation nationale, il constate néanmoins que le phénomène n’est pas nouveau et que la situation reste préoccupante.

Le rapport souligne le manque d’effectifs de personnels médicaux et paramédicaux au sein des établissements, de telle sorte que la prise en charge du problème par ces professionnels arrive trop tard.

>Erwan Balanant donne la parole à des parents qui ont vécu le drame de perdre leur enfant. À travers les nombreux témoignages et auditions qui constituent ce rapport, il apparaît tout simplement inconcevable de retirer à la famille le libre choix de la déscolarisation ou de la non-scolarisation de son enfant pour le protéger.

Il y a des situations d’urgence qui nécessitent de ne pas attendre l’aval du système (qui peut prendre des semaines voire des mois) pour garantir la protection immédiate de l’enfant. 

Au-delà de ces situations d’urgence, la réalité du terrain montre que des questions pratiques se posent concernant la reconnaissance institutionnelle des situations particulières d’enfants à besoins particuliers, qu’il s’agisse de besoins associés à des troubles des apprentissages et/ou des besoins associés à des troubles psychosociaux.

Les conditions d’établissement du diagnostic sont souvent longues, difficiles, complexes et multifactorielles, de sorte que le délai nécessaire pour poser le diagnostic pourrait, à lui seul, représenter une mise en danger de l’enfant ou induire un retard dans ses apprentissages qui le placerait durablement en échec scolaire. 

Rappelons la situation actuelle d’un médecin pour 1 200 élèves et de plus de 10 % de postes de psychologues scolaires non pourvus à l’Éducation nationale. Les postes à l’Éducation nationale sont malheureusement bien connus pour être les parents pauvres des professions médicales et paramédicales.

>Hors de l’Éducation nationale, la situation n’est pas vraiment meilleure et surtout elle est très inégalitaire d’une région à l’autre et fonction des moyens dont disposent les familles. Les cabinets d’orthophonie sont surchargés, laissant les familles sans possibilité de prise en charge de leurs enfants pendant plusieurs mois, à un moment où celle-ci est pourtant cruciale pour les apprentissages.

Concernant des troubles plus complexes à identifier, ou plus sévères, les délais d’attente pour un diagnostic neuropsychologique dans un centre de référence dépassent régulièrement les 12 à 18 mois. Il en est de même des troubles psychosociaux, les centres hospitaliers spécialisés étant surchargés de demandes.

Même si la situation s’est nettement améliorée ces dernières années, les enseignants ne sont pas assez formés à l’identification de ces troubles. La non-reconnaissance de ses difficultés développe chez l’enfant un sentiment de mésestime qui impacte ses relations à l’école et ses apprentissages, et l’exclut de fait de l’institution scolaire. Ces enfants présentent un risque de 30 % supérieur aux autres d’être victimes de harcèlement (cf. rapport Balanant, Comprendre et combattre le harcèlement scolaire).

Les phénomènes d’inertie interne à l’Éducation nationale, déjà relevés supra conduisent trop souvent à une prise en charge tardive. Les parents doivent pouvoir intervenir en amont du diagnostic posé.

Il appartient aux parents de juger et d’agir en pleine conscience de ce qui est bon pour leur enfant. C’est un fondement de la liberté d’instruction.

Cette liberté de choix relève d’un droit légitime qui doit être reconnu. Elle relève du droit des enfants à être protégés et du devoir de leurs parents à leur assurer cette protection.

Si la loi passait en l’état, un parent qui retire son enfant du système scolaire sans l’aval de l’administration serait hors-la-loi alors qu’il exerce son devoir parental.

10. Recommandations de SOS Éducation

  • Combattre les tentatives de stigmatisation des parents et des familles selon leur choix d’instruction. Veiller à la séparation de l’État et de l’École, respecter la liberté de conscience.
  • Protéger la liberté des parents du choix d’instruction de leurs enfants, dans le cadre législatif actuel (c’est-à-dire avec le contrôle des conditions de l’instruction en famille, la vérification du respect des valeurs de la République et l’évaluation des acquis du socle commun).
    ⇒ Amendement demandé : retirer l’article 21 du projet de loi
    ⇒ Amendement demandé :
    ajouter dans la déclaration d’instruction en famille les activités pratiquées par l’enfant, hors instruction obligatoire
    ⇒ Amendement demandé :
    nommer et former dans chaque inspection un référent instruction en famille
  • Veiller à la proportionnalité des peines entre les structures clandestines hors-la-loi et les écoles privées hors contrat régulièrement déclarées :
    ⇒ Amendement demandé : supprimer l’article 23 qui modifie l’article 227.17.1 du Code pénal en introduisant une peine excessive et disproportionnée envers les chefs d’établissements hors contrat régulièrement déclarés ;
    ⇒ Amendement demandé :
    identifier les organisateurs des enseignements d’une structure clandestine et instituer à leur encontre une peine d’interdiction d’enseigner et de diriger une structure d’enseignement.
  • Mettre en place un plan de lutte contre les structures d’enseignement clandestines :
    1. Identifier les enfants qui passent à travers les mailles du filet.
    2. Appliquer le cadre législatif pour tous et sur tout le territoire.
    3. Renforcer les contrôles par les agents territoriaux et le corps d’inspection quand il y a un doute, afin de détecter les structures d’enseignement clandestines, les dérives sectaires et les risques de radicalisation.
  • Mener une étude, par une structure indépendante, sur les motivations des familles qui ont recours à l’instruction en famille et aux écoles hors contrat.
  • Mettre en place un protocole d’évaluation des acquis du socle commun, identique à tous les types d’établissement et d’instruction.